Le mots-croisiste plus libre que le caricaturiste ?

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Sur l’antenne de France Inter, Plantu a parlé dimanche 29 octobre 2017 de son dernier ouvrage  « Les toutous du Président » : le recueil* de ses dessins de l’année dans Le Monde et l’Express. Répondant à une question de Pierre Weill, il a notamment souligné d’un trait appuyé son entière liberté de création. Vraiment ? Qu’il me soit permis d’exprimer un doute. Dans un organe de presse, surtout d’opinion, la personne dont les coudées sont totalement franches me semble se trouver au-dessus. Qui cela peut-il être ? Le rédacteur en chef ? Plus sûrement encore : le directeur de la publication, sinon celui du groupe de communication auquel appartient chacune.

Certes le caricaturiste, qui met en dessins un sujet de l’actualité, a la liberté de proposer ses différentes créations, mais en dernier ressort ce n’est pas lui qui dispose. En ce cas il est donc moins son propre porte-parole que le porte-mine d’une opinion collective, en accord avec la ligne éditoriale.

Il fut un temps où les verbicrucistes maison avait, mine de rien, plus de latitude. Max Favalelli promettait impertinemment le bâton au maréchal et Robert Scipion n’hésitait pas à commenter l’actualité dans ses grilles, avec verve et audace. Personnellement, j’ai eu l’heur de tenir une chronique quotidienne de mots croisés, au Journal de Genève de 1995 à 1998 puis au quotidien Le Temps de 1998 à 2009, ou encore hebdomadaire au magazine Femina de 2004 à 2013. La grille du jour ou de la semaine, liée à un article du journal, n’était revue et relue par personne. Mieux : je disposais de la maquette réservée à la rubrique et envoyais directement à la fabrication un « incorrigible » prêt-à-publier .

Aujourd’hui évidemment la comparaison n’a plus lieu d’être puisque les verbicrucistes « engagés » ont perdu le pouvoir, et leur espèce est en voie de disparition. Désormais : soit les journaux publient des mots-croisés atemporels, pour ne pas dire hors-sol, soit ils abordent un thème précis sous la forme de mots fléchés, par définition moins personnalisés.

Que reste-t-il ? Quelques rubriques dont celles que je tente de perpétuer ici et là (comme dans le magazine de la ville d’Is-sur-Tille) ; les Crucicrèmes téléchargeables sur ce site, lesquels prolongent l’œuvre du Temps ; les séries créées et montrées à l’occasion des festivals, puis publiées par la revue Eskimos ; ou encore les livres présentés en vitrine d’eskimos.fr : les deux recueils du Temps Éditions, la collection régionale du Belvédère (à suivre) ou « La Vie en mots croisés » édité par mes soins, dont le tome 1 attend son second.

Leur diffusion n’est évidemment pas celle des grands médias institutionnels, mais leur matière a l’immense mérite d’être véritablement indépendante. En ce sens, s’agissant des compilations de caricatures du dessinateur du Monde et de l’Express, plus intéressant selon moi serait l’édition des projets refusés…

  • Éditions Le Seuil, 2 novembre 2017.
 
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